veau sans poil et sans dent

Sans poil Sans dent

Dysplasie ectodermique anhydrotique (DEA)

Les veaux atteints de DEA naissent recouverts d’un fin duvet et ne possèdent pas de dents. Les veaux ne peuvent assurer leur transition alimentaire dans les conditions normales d’élevage et ne dépassent donc pas les 4 à 5 mois de vie en général, s’ils n’ont pas déjà succombé à une hypothermie, à une hyperthermie (leurs glandes sudoripares ne sont pas fonctionnelles) ou à une détresse respiratoire (du fait de défauts des cils et glandes bronchiques). Cette anomalie est d’émergence très récente, puisqu’elle a été officiellement reconnue par l’ONAB au printemps 2013. C’est aussi celle dont la mutation a été identifiée le plus rapidement …

Début mars 2013, Jacques Manière remonte à l’observatoire les premiers cas de veaux sans poils et sans dents, lesquels sont apparus dans un élevage inscrit de la Nièvre. En tout, cinq veaux naîtront dans ce même élevage sur 80 vêlages. Au même moment, les docteurs Bruno Gérard et André Meyus décrivent des cas similaires sur le site internet Véto Focus (www.vetofocus.com). S’en suit un appel à manifestation auprès des vétérinaires francophones qui permettra d’authentifier 11 cas et de récolter des prélèvements exploitables pour sept d’entres eux et leurs apparentés. L’analyse des données généalogiques permet d’identifier un ancêtre commun à tous ces animaux sur les voies paternelles et maternelles suggérant un déterminisme génétique récessif. Au début de l’été, l’ADN de ces animaux est génotypé pour 50 000 marqueurs génétiques, qui sont autant de balises permettant de suivre la transmission des segments chromosomiques des parents aux descendants. C’est alors qu’intervient la cartographie dite « par homozygotie ». En faisant l’hypothèse que les veaux sans poils sont porteurs double d’une mutation délétère qu’ils ont reçu d’un ancêtre commun par chacun de leurs parents, ces animaux doivent aussi être porteurs double des mêmes versions des marqueurs génétiques entourant la mutation en cause. 

A la fin de l’été 2013, une telle région est identifiée mais elle comprend plus d’une centaine de gènes ; difficile alors de choisir lequel séquencer pour rechercher une éventuelle mutation. Par chance, l’un d’eux a déjà été impliqué dans un syndrome humain équivalent à celui observé en Charolaise. C’est donc ce gène qui est séquencé en premier et dans lequel une mutation très délétère est identifiée en septembre dernier. Le génotypage pour cette mutation de tous les animaux atteints et de leurs apparentés confirme ensuite son association avec l’anomalie.

Mieux, le génotypage de l’ancêtre commun aux parents de tous les veaux atteints et des propres ancêtres de ce taureau (dont l’ADN a pu être extrait de paillettes de semence) indique que la mutation est survenue chez lui. Elle est donc « née » avec lui en 1993. Ce taureau et ses descendants ayant été relativement prisés par les sélectionneurs, on estime d’après les données généalogiques de l’ensemble du cheptel Charolais français que la fréquence de la mutation s’élève en 2015 à 0,5% ce qui signifie qu’un veau en moyenne sur 40 000 sera atteint à l’échelle de la population. Cela peut sembler peu, mais ce ratio s’élève à 1 veau sur 8 lorsqu’un taureau porteur est accouplé à un lot de vaches dont le père était lui-même porteur ! Un test génétique est proposé par Labogena ou Valogene afin de détecter les porteurs et contre-sélectionner cette anomalie.

Ces résultats sont inédits à plusieurs titres : le faible nombre d’animaux requis pour identifier la mutation (sept seulement), la rapidité de l’étude (moins de 6 mois), et  le délai très court séparant l’évènement de mutation de son identification (20 ans) permettant ainsi sa contre sélection avant qu’elle ne se soit trop propagée.

Publications

Rapid Discovery of De Novo Deleterious Mutations in Cattle Enhances the Value of Livestock as Model Species; Scientific Reports 7, Article number: 11466 (2017); Bourneuf et al.

Escouflaire, C., Rebours, E., Charles, M. et al. Α de novo 3.8-Mb inversion affecting the EDA and XIST genes in a heterozygous female calf with generalized hypohidrotic ectodermal dysplasia. BMC Genomics 20, 715 (2019). https://doi.org/10.1186/s12864-019-6087-1

Date de modification : 14 septembre 2023 | Date de création : 21 février 2014 | Rédaction : ONAB