Anomalies de couleur

Anomalies de couleur

Blanc dominant : Couleur blanche (a), surdité, et “yeux de verre” (b). Réversion partielle du phénotype : taches noires au niveau de l’iris (c) ou l’oreille(d). Rouge dominant, variations de couleurs du rouge au brun foncé(e et f) : mécanisme génétique différent du phénotype connu en Holstein appelé rouge récessif (allèle MC1Re) en (g). Pour comparaison, un animal noir dominant en (h)

Description des défauts :

Blanc dominant :

Cette anomalie correspond au syndrome de Tietz chez l’homme. Les animaux atteints ont une dépigmentation de la peau, des poils et des yeux de type albinoïde, et souffrent de surdité (comme chez l’homme).

Rouge dominant :

Cette anomalie de couleur est apparue dans les années 80 lors de la naissance d’une génisse mutée issue de parents homozygotes pour l’allèle noir.

A l’âge adulte, les animaux porteurs de l’allèle rouge dominant montrent de grandes variations de couleur allant d’un marron clair proche de la couleur « rouge » connue à un marron foncé proche de la couleur « noir dominant ».

Tous les animaux porteurs hétérozygotes de cette mutation sont parfaitement sains par ailleurs. Par contre les données manquent à l’heure actuelle pour savoir si elle ne présente pas de risque à l’état homozygote.

 

Recherche des mutations responsables

Pour étudier ces deux anomalies, nous avons recueilli des échantillons d’animaux atteints et de leurs congénères de race holstein. L’approche choisie a été de séquencer le génome complet d’un animal atteint et à le comparer aux génomes de plus de mille individus contrôles représentant les principaux ancêtres de leur race. Ceci afin de mettre en évidence la ou les mutations qui seraient présentes à l’état hétérozygote chez l’animal atteint et absente de tous les autres animaux, et qui auraient un impact sur la fonction d’une protéine. En effet, il est question d’anomalies apparues DE NOVO et qui expriment un phénotype. De ce fait, ces mutations dominantes n’ont jamais existé auparavant, elles ne peuvent être portées en deux exemplaires par les animaux atteints.

Une mutation a été identifiée pour chaque anomalie : dans le gène MITF pour le blanc dominant (p.R211del), dans le gène COPA pour le rouge dominant (p.R160C).

 

Etudes bibliographiques et Analyses conduites

Blanc dominant :

Le gène MITF fait partie de la famille des facteurs de transcription, c’est un régulateur majeur du fonctionnement des mélanocytes. Chez d’autres mammifères (souris, cheval) 7 autres mutations dans ce gène ont été identifiées précédemment. D’autres mutations dans le même gène chez l’homme donnent des phénotypes intermédiaires (décoloration par taches et surdité partielle) connus sous le nom de Syndrome de Waardenburg de type 2A.

Des coupes histologiques et des analyses de microscopie électronique ont montré la présence de mélanocytes anormaux dans la peau blanche des animaux atteints, une absence de mélanine et de mélanosomes en comparaison avec des peaux d’animaux sains.

L’expression des gènes dans la peau blanche a été étudiée. Le gène muté est normalement exprimé. En revanche ses cibles (les gènes sur lesquels il agit) sont sous-exprimés, montrant la perte de l’interaction entre ces gènes, y compris dans les taches noires des animaux montrant une réversion phénotypique partielle. Pour en savoir plus sur ces taches colorées, l’expression allélique a été quantifiée grâce à la technique du pyroséquençage. Comme attendu, aucune différence d’expression du gène MITF n’a pu être mise en évidence dans les zones de peau blanche ou noire des animaux atteints par rapport aux sains. En revanche, l’expression des gènes cibles est « récupérée » partiellement dans les taches noires, par rapport aux zones blanches. Ces taches persistent au cours de la vie de l’animal, suggérant que, de façon aléatoire, certains mélanoblastes vont parvenir à se différencier normalement malgré la mutation identifiée.

Rouge dominant:

Le gène COPA est une sous-unité du COmplexe de Protéines de Couverture I (COPI), qui joue un rôle de transporteur intracellulaire. Plusieurs autres mutations ont été décrites dans des sous-unités de COPI chez le poisson-zèbre ou la souris, conduisant à des baisses de pigmentation ainsi qu’à d’autres phénotypes délétères. Aucune anomalie similaire n’est connue chez l’homme : les 5 mutations décrites dans le même gène n’entrainent pas de désordre de pigmentation mais un syndrome d’arthrite rhumatoïde et manifestations respiratoires de nature auto-immune.

Nous avons réalisé l’analyse des pigments capillaires, l’étude de l’expression des gènes et des coupes histologiques. La mutation de COPA provoque chez les animaux atteints une sous-expression des gènes impliqués dans la mélanogénèse et conduit à la production d’une protéine de coloration (la pheomélanine) au lieu d’eumélanine.

L’étude d’expression des gènes chez la vache nous permet de comprendre davantage les mécanismes cellulaires en jeu dans le syndrome humain. En effet, les mutations humaines et bovines dans COPA entrainent des modifications d’expression d’autres gènes qui contrôlent à la fois la réponse inflammatoire, la formation des poumons et la mélanogénèse.

Conclusion

Cette étude montre les possibilités offertes par le séquençage systématique d’un grand nombre de génomes complets. Les mutations De Novo portées par les taureaux Elite peuvent être mise en évidence avant que de nombreux veaux atteints ne soient produits.

Elle offre un éclairage sur le potentiel offert par l’utilisation des espèces d’élevage comme modèles animaux à l’ère post-génomique, grâce à l’existence de grandes familles de demi-frères/sœurs produites par insémination animale.

 

Ref bibliographique

Bourneuf et al., 2016. Rapid Discovery of De Novo Deleterious Mutations in Cattle Using Genome Sequence Data: Enhancing the Value of Farm Animals as Model Species. Scientific Reports, 7: 11466.

http://dx.doi.org/10.1038/s41598-017-11523-3