Bulldog

Anomalie "Bulldog" ou achondroplasie

Plusieurs races sont affectées depuis longtemps par cette anomalie qui produit des veaux difformes le plus souvent morts-nés (Dexter en Australie, Holstein avec une recrudescence en 1999 dans la descendance du taureau Igal Masc) ou plus récemment en races Brune et Salers croisée Charolais.

L’anomalie létale ‘Bulldog’, une forme d’achondroplasie bovine, se caractérise entre autre par une croissance réduite des os des membres et de la face. Elle existe depuis longtemps, à très faible fréquence, dans de nombreuses races bovines.

 

En 1999…

L’anomalie émerge en race Holstein en septembre 1999 avec les premiers veaux anormaux repérés dans la descendance d’un seul taureau : Igale Masc, alors classé parmi l'élite mondiale. Plusieurs dizaines de cas sont ensuite rapidement apparus, montrant clairement que ce taureau était porteur de l'anomalie ‘BullDog’. Les veaux anormaux naissent à terme, parfois avec des difficultés d’extraction malgré leur faible poids de 20 à 30 kg. Ils présentent une forme de nanisme, avec des membres courts, de 15 à 20 cm de long, mais d’épaisseur normale. Le tronc est également raccourci, et les animaux sont ventrus. Leur tête est ronde, avec le nez écrasé. La mâchoire est large, et plusieurs cas présentent un palais fendu. Les veaux meurent tous dans les premiers instants de leur vie, en raison de difficultés respiratoires dues à leur malformation des voies nasales supérieures.

Une enquête auprès de 7000 éleveurs a été réalisée par l’entreprise de sélection OGER (aujourd’hui Evolution). Sur 39483 veaux nés issus d’Igale Masc, 319 ont été déclarés atteints, soit environ 1 pour 120 naissances.

Le déterminisme est alors supposé récessif, du fait de la très faible fréquence d’apparition de l’anomalie. Cependant, les mères ne présentent pas d’ancêtres communs entre elles et à Igale en dehors de quelques grands fondateurs de la race Holstein, mettant en défaut cette hypothèse. Par ailleurs, parmi 32 fœtus issus d’Igale et de vaches ayant produit un veau atteint, aucun fœtus affecté n’a été observé, ce qui est statistiquement incompatible avec la probabilité d’un quart attendue avec un déterminisme récessif (p<10-4).

La cartographie de l’anomalie est entreprise grâce à un partenariat étroit entre l’Oger et l’Inra et la collaboration efficace des éleveurs, à partir de 75 couples mère/veau atteint. 80 microsatellites ont été génotypés par Labogena sur ces animaux, et l’anomalie a été cartographiée par sur le chromosome 5, entre les marqueurs RM500 et RM103. Dans cette région, legène COL2A1qui code pour une protéine de collagène est un gène candidat fort, car certaines formes d’achondroplasie humaine sont dues à des mutations dans ce gène. Le microsatellite INRA270, dérivé d’un BAC contenant aussi COL2A1, a été génotypé sur le pedigree de cartographie et ne présente aucun recombinant avec le phénotype, confirmant donc sans équivoque qu’Igale Masc est hétérozygote pour la mutation. Ce premier résultat a été utilisé pour construire un test moléculaire, permettant de déterminer si les descendants avaient reçu le chromosome porteur de l’anomalie ou non. En pratique, l’anomalie a donc a été rapidement éliminée.

Le séquençage de la partie codante du gène COL2A1 a été entrepris mais ce gène est complexe, seule une partie du gène a été analysée. Aucun polymorphisme candidat n’a été observé. En l’absence de piste réaliste, le projet a été mis en sommeil pendant quelques années.

 

Quelques années plus tard…

Les technologies de séquençage ayant fortement évolué, deux veaux atteints ont été complètement séquencés, et une mutation a été trouvée en comparant la séquence de ceux deux veaux avec l’ensemble des séquences complètes de dizaines d’animaux du projet international « 1000 génomes bovins » et en ne retenant que celles présentes chez ces deux veaux et absentes de tous les autres animaux. Cette mutation est prédite comme très délétère par les logiciels de prédiction protéique, et se trouve sur le gène candidat.

 

Mais Igale Masc, séquencé dans le cadre du projet 1000 génomes bovins, ne présente pas cette mutation ! Ce taureau serait donc mosaïque, premier porteur de la mutation, avec une proportion très faible (1%) de ses cellules mutées, y compris ses cellules germinales. Ce qui explique que la mutation n’apparaisse pas dans sa séquence (limitée à 10X, ce qui signifie qu’une région n’est séquencée que 10 fois en moyenne) et que le taureau ne présente pas lui-même le phénotype Bulldog. En revanche, il transmet l’anomalie de façon dominante et avec une pénétrance totale, à environ 1% de ses descendants. Pour vérifier cette hypothèse, l’ADN de la semence d’Igale a été extrait, amplifié autour de la mutation, et digéré avec une enzyme coupant ou non l’ADN en fonction de l’allèle porté au site de mutation. Il apparait une bande majoritaire (allèle normal) et une bande plus faible. Le séquençage des deux bandes confirme la mutation.

Ce travail montre la puissance des données de séquence pour mettre en évidence une mutation nouvelle, en permettant d’exclure toute mutation déjà existante dans les bases de données.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous avons récemment identifié une nouvelle mutation délétère dans le gène COL2A1 chez des veaux Bulldog croisés Charolais X Salers.

 

Référence

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Date de modification : 14 septembre 2023 | Date de création : 28 août 2013 | Rédaction : C. Grohs